J’ai testé pour vous: foirer son allaitement.

Disclaimer: Avant l’arrivée de bébé, l’allaitement était pour moi une ÉVIDENCE (ayant moi-même été allaitée très longtemps par ma maman, j’avais envie d’offrir la même chose à mon fils). J’étais convaincue que cela se ferait sans aucune difficulté (quoi de plus naturel que donner le sein…). Je pensais aussi que « consultante en lactation » était un nouveau bullshit job. Je ne m’étais pas non plus ÉNORMÉMENT renseignée sur le sujet (comme un peu pour tout ce qui concerne ma grossesse et mes premiers mois de maman, que je souhaitais vivre par envie et par « instinct » avant tout).

Spoiler alert: I WAS SO F****** WRONG.

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Délibérément une photo qui détend un peu l’atmosphère, vu ce que je m’apprête à vous raconter (photo Laura Miles photography).
ÉTAPE 1: LE MAUVAIS DÉPART.

Tout commence à la mat’ (sans surprise) où mon fils prend le sein quasi dès la naissance. Jusque là, pas de problème. Mais ça se complique très vite ensuite.

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Quand tu penses que tu vas tout gérer comme une pro.

Je n’ai pas de lait (du moins, pas de colostrum, ce premier liquide prodigieux blindé d’anti-corps) et je commence à avoir mal (très mal) aux seins. En effet, pendant les deux premiers jours, bébé est collé à ma poitrine sans jamais finir rassasié. C’est alors que commencent les premiers « mini bibis » (10 à 30ml d’après mes souvenirs) car mon fils a beaucoup de mal à reprendre son poids de naissance.

Puis, au troisième jour, miracle. Montée de lait PHÉNOMÉNALE. Des seins gonflés à bloc, bébé toujours en train de téter… mais toujours aucune prise de poids notable. Le tout dans une douleur incommensurable (pire que l’accouchement, si vous voulez vraiment savoir). Les petits biberons continuent donc. Mes seins quant à eux sont plein de lait, au point qu’une sage-femme est contrainte de m’aider plusieurs fois par jour à les « vider » (façon de parler) dans des verres d’eau chaude... Chose qui me soulage grandement, même si, en parallèle, mon bébé semble toujours « téter dans le vide ». Mes tétées sont observées par l’équipe de soins, aucun problème n’est constaté, c’est à n’y rien comprendre. Pour la douleur et faire désenfler, on me pose des compresses camphrées énormes qui font plutôt effet.

Les heures passent et je commence à appréhender chaque tétée TELLEMENT j’ai mal (alors que je ne suis a priori pas du tout douillette… et je suis par ailleurs bien équipée: lanoline, silverettes e tutti quanti). C’est comme si la bouche de mon fils était tapissée de papier de verre et d’aiguilles, tout ce qu’on aime. Je pleure énormément et mords mon oreiller à chacun de ses « repas ». Je passe aussi pas mal de temps en ligne, sur les forums, à la recherche de réassurance (« normal d’avoir mal aux seins pendant l’allaitement », « combien de temps douleur allaitement » etc.). J’en parle à des copines, beaucoup me disent que « C’est normal d’avoir mal au début« … wokay. Mais là c’est pas de la douleur, c’est de la torture.

Je suis au bout du roul’, ravagée par ce que je ressens physiquement et le sentiment de ne pas arriver à subvenir aux besoins de mon fils, à peine quelques heures après sa venue sur terre. Fort heureusement, mes nuits sont relativement calmes, bébé dort plutôt bien, sauf une nuit où une infirmière, elle-même un peu dépassée, me suggère de lui donner une tétine – enfin une « lolette » comme on dit ici en Suisse. Je suis très étonnée, et même si j’en ai une au fin fond de mon sac de maternité, je lui fais part de mes doutes et de mes appréhensions. La tétine, c’est le mal, non ? « Oh vous savez, ça fait des heures qu’il pleure, vous avez tout essayé, il n’a pas faim, sa couche est propre, il n’arrive pas encore bien à sucer ses doigts, donnez-lui va !« . Okay. Résultat immédiat, bébé s’endort calmement en mode Maggie Simpson.

On me laisse quitter la maternité (avec un poids vraiment bas par rapport à celui de naissance) et, même si je suis contente de rentrer à la maison, je stresse un peu grave pour la suite. Moi qui me voyait allaiter six mois, un an, deux ans voire plus, j’en ai déjà ras-le-*** après seulement quelques heures.

ÉTAPE 2: LA LOOSE À DOMICILE.

Un des trucs que j’ai découverts un peu sur le tas, c’est qu’en Suisse (du moins à Genève), les sages-femmes nous rendent visite dès le retour de la maternité. Beaucoup de visites (jusqu’à 16). J’ai la chance de tomber sur une femme fantastique, avec qui je m’entends direct très bien et qui, en plus de prendre grand soin de moi, comprend très rapidement notre galère allaitement. Sauf qu’à chaque visite (CHAQUE JOUR), mon fils se retrouve pesé. Et avec l’allaitement qui fonctionne mal, le niveau de stress est toujours au max avant le moment fatidique de la balance. Je prie pour que mon bébé ne lâche pas un caca atomique avant la pesée, histoire de gratter des grammes. Je ne suis vraiment fan de ce rituel que je trouve beaucoup trop stressant, mais bon, c’était visiblement pour la santé de mon petit bonhomme…

Au deuxième jour de retour à la maison, ma sage-femme me dit qu’il faudrait sérieusement « envisager le tire-lait« . Un tire-lait ? Pour quoi faire ? Pourquoi tout de suite ? Est-ce qu’on peut attendre quelques jours ? Mon fils n’a même pas une semaine que j’ai l’impression qu’on enterre déjà mon souhait d’allaitement « classique ». On laisse passer un jour… mais très vite le verdict tombe, la prise de poids n’est pas suffisante. Mon mari file louer un tire-lait à la pharmacie, et ma sage-femme me fournit tout plein de conseils pour booster ma lactation et réduire mes douleurs (qui sont toujours là, évidemment et toujours plus intenses en prime): nouvelles positions, bière sans alcool, Ovomaltine, homéopathie (moringa, chardon Marie…).

On me dit que « se reposer, boire beaucoup et manger correctement » sont les clefs d’une bonne lactation – précisément les trois choses que je n’ai plus du tout le temps de faire.

Pour autant, au fond de moi je suis persuadée d’avoir du lait.

Au fil des jours, je tire beaucoup de lait… mais je persiste à vouloir mettre mon fils au sein (le tire-allaitement n’étant pas une option pour moi). Je pleure à chaque fois, je n’arrive plus à enfiler un t-shirt seins-nus ou porter un soutien-gorge, le moindre filet d’eau sous la douche me fait hurler de douleur. Je complète les tétées avec le lait que j’ai tiré (que je donne au biberon).

Deux jours plus tard, le poids de mon fils n’est toujours pas satisfaisant. Ma sage-femme me dit alors qu’il faut « complémenter » mon fils avec du lait en poudre. Je me rends bien compte que je n’y arrive pas et que mon bébé ne grossit pas assez. Mon monde s’effondre.

Commence alors une légère prise de poids (mon bébé buvant un mini biberon de lait artificiel après chaque repas), c’est déjà ça. Sauf qu’un jour j’ai tellement mal que je suis obligée de tout arrêter (plus de tétées, de tire-lait… même porter bébé est impossible). J’ai de la fièvre, je tremble, je suis vidée de toute énergie, au fond du seau. Je me sens comme la pire des m*****.

Je me repose quelques jours, puis je reprends. Comme le lait est toujours là, je ne perds pas espoir, même si j’ai toujours très mal malgré tous les subterfuges (téterelles etc.). Les visites de ma sage-femme s’espacent, je me sens moins stressée, j’ai l’impression de pouvoir « expérimenter » et tenter de trouver mon rythme sans pression (sachant que bébé n’a alors que 10 jours). Je me dis que je vais y arriver, que je prends juste plus de temps que les autres femmes. J’essaye de rester calme quand on m’explique « moi j’ai été nourri au lait en poudre, j’en suis pas mort, regarde !« .

ÉTAPE 3: LE LACTA-THON.

Parmi mes défauts (ou qualités, c’est selon), figure le fait d’être PARTICULIÈREMENT tête de mule obstinée. Je continue donc mon « allaitement mixte » (tétées, biberons de lait tiré, biberons de lait en poudre quand vraiment les douleurs sont au-delà de tout…). Je ne comprends pas (PERSONNE ne comprend) pourquoi mon fils prend si peu de poids. Je décide de tout faire pour avoir une lactation « au max » (histoire d’éliminer une bonne fois pour toute l’éventualité du « Je ne produis pas suffisamment de lait« ) et me lance dans une sorte de marathon: je passe des JOURNÉES ENTIÈRES avec mon fils au sein. Je ne me consacre plus qu’à cela, toujours dans la douleur (ça fait mille fois que je le dis mais, vraiment, c’est atroce, surtout qu’entre temps j’ai lu et entendu partout que « l’allaitement ne doit PAS faire mal » !). Je sais que plus un bébé boit, plus le corps produit de lait… alors je m’accroche de ouf.

Mon canapé, mon coussin d’allaitement et moi avons fusionnés. En moins d’un mois, je prends beaucoup de poids car je n’ai plus AUCUNE autre activité que l’allaitement (foireux).

Je me retrouve plus fat qu’en fin de grossesse (si on enlève le poids du bébé).

Mon fils tète pendant 40min en moyenne, toutes les 1h30 (la fréquence se calculant à partir du début de la tétée… je vous laisse imaginer mes journées de l’enfer). Mon quotidien est fort déprimant, je suis coincée chez moi, je ne peux RIEN faire. Harlem est chez mes parents car je ne peux même plus le sortir la journée. Je ne peux voir PERSONNE, je reçois TRÈS PEU car concrètement, mon fils « mange » sans arrêt. Et quand je dois me déplacer (chez mes parents, dans ma belle famille…), je reste enfermée pour nourrir celui que j’appelle désormais « l’ogre ». Tout le monde doit s’organiser autour de moi, je me sens comme le pire des boulets en plus d’être plainte par tout le monde. Pour me donner du courage, je m’abonne à plusieurs pages facebook de mamans allaitantes, j’ai l’impression de devenir une experte ultra calée d’un truc que je pensais pourtant simple comme bonjour encore quelques semaines en arrière.

J’aime mon bébé mais je hais ma nouvelle vie.

Un jour, alors que je suis en « vacances » dans le Sud, la douleur et le ras-le-bol sont tels que j’appelle, portée par le désespoir, une infirmière consultante en lactation. Je lui explique que je ne me sens même pas capable faire la prochaine tétée, tellement j’ai mal (mon fils a alors un mois et demi). Je suis reçue dès le lendemain, la dame observe une tétée: la position est correcte, j’ai du lait… mais la succion de mon fils pose de gros problèmes (de « pression » notamment). Tiens, ENFIN quelqu’un pour me dire que JE n’y suis pour rien (non pas que je cherche un coupable à ce moment-là, mais j’avais besoin d’entendre ça). Cette consultante me recommande de trouver un ostéopathe spécialisé en bébé et surtout en « pression » de la langue (?). Mission impossible (d’où mon appel à l’aide en story Instagram d’ailleurs). On me parle d’une excellente chiropraticienne chez qui je me rends dans la foulée. Celle-ci détecte plusieurs tensions chez mon bébé et me conseille de faire couper son frein de lèvre supérieur. Je me rends chez un ORL deux jours plus tard, qui coupe freins de lèvres et de langue (tant qu’à faire), aux ciseaux (pendant que je tiens la tête de mon bébé, puis le met au sein immédiatement après la section, alors qu’il a la bouche pleine de sang, #chouette). Le soir-même, je connais pour la première fois une tétée sans douleur. Une deuxième va suivre même. Je suis à deux doigts de crier victoire.

Je me dis que quelqu’un voulait que j’en voie de toutes les couleurs avant d’enfin connaître la joie de l’allaitement réussi.

Le lendemain au réveil, première tétée: mon fils, ou plutôt sa bouche, me bousille de nouveau les seins.

ÉTAPE 4: L'ABANDON.

Je ne suis que désillusion. Mon fils arrive sur ses deux mois et j’ai l’impression d’en avoir trop fait (ostéo, chiro, ORL, centaine de kilomètres de route à chaque fois…), sans trop de raison, si ce n’est pour satisfaire mon obstination. J’ai dépensé des fortunes dans toutes sortes de gadgets (accessoires, alimentation), dans les consultations de spécialistes… pour satisfaire mon obstination.

Pour couronner le tout, on me diagnostique une candidose qui signe l’arrêt définitif de mon allaitement, tant j’ai mal. Par « chance » (lol), elle sera vite soignée. Malgré un arrêt complet de tétées et de tire-lait pendant plusieurs jours, j’ai toujours du lait. Comme mes seins sont complètement rétablis, je ne ressens plus AUCUNE douleur… Je tente le tout pour le tout une dernière fois en mettant mon fils au sein. A peine quelques heures plus tard, je ressens de nouveau une douleur atroce au bout des seins. La preuve que sa succion fonctionne mal, au point de m’abîmer en une seule fois.

Je lâche l’affaire.

Nous transitionnons doucement vers une alimentation de lait artificiel à 100% (Hipp Combiotik, qui a le mérite d’être bio et sans aluminium). Le succès est total. Mon fils ADORE ses biberons, il grandit et grossit à une vitesse folle. Aujourd’hui, à trois mois et demi, il pèse presque 8kg pour 64cm. Mon beau bébé est en pleine forme, costaud comme tout et déjà bien musclé. Et même au biberon, il mange ÉNORMÉMENT (je me demande si j’aurais pu suivre son rythme et l’intensité de ses pics de croissance en l’allaitant vues les quantités astronomiques qu’il s’envoie…).J’ai pris la bonne décision.

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Une langue tendue et un pyjama « You and milk ». THE AUDACITY.
ALORS D'OÙ VENAIT LE PROBLÈME ?

Malgré de longues heures de tétées à la maternité, mon lait n’est arrivé que tardivement. Mon fils est-il né avec des problèmes de succion ? A-t-il été « détraqué » par la première tétine ? Par les biberons de complément (de la maternité, de complément à la maison) ? Je ne le saurai jamais. Quoiqu’il en soit, la conclusion de cette histoire (qui me paraît rocambolesque, à la limite du ridicule aujourd’hui), c’est que quand ça veut pas, ça veut pas. Je n’avais de toute façon plus envie de faire subir quoi que ce soit d’autre à mon fils.

Aujourd’hui je REVIS littéralement et je me dis que si j’avais persisté, je serais sûrement passée à côté de plein de moments formidables: tant de sorties, de balades, de voyages, de découvertes, de moments entre amis, en famille… dont nous avons été littéralement privés les premières semaines. Ou peut-être que ça aurait finalement marché ?

Alors voilà, tout cela n’est pas très glorieux… mais c’est comme ça. J’ai mis toute la bonne volonté du monde dans ce projet d’allaitement et malgré tout, ça n’a pas fonctionné comme je le souhaitais. Un grand merci à celles et ceux qui m’ont accompagnée dans cette galère (Papa, Maman, Beau Papa, Belle Maman, Elsa S., Lisiane, Agathe, Béré, Célia, Margot, Jess, Clem, Sophie, Julie, Marie, Elsa D., Laure, Angélique, Warsha, Ella, Bianca, Céci, Désirée, Kay, Isa, Emma, Ellen et vous toutes qui m’avez submergée de petits mots d’encouragements quand j’ai fait part de mes difficultés sur Instagram). Et surtout, à mon mari qui n’a jamais cessé de m’encourager, de me comprendre (et de me défendre aussi parfois), sans qui je n’aurais pas tenu une semaine <3.