Vous le savez, mes premiers moments avec bébé n’ont pas vraiment été une sinécure. Plusieurs fois, j’ai été étonnée / déçue / énervée / dégoûtée de me retrouver à penser ou vivre certaines choses dont je n’avais jamais entendu parler. Comme une bleue, je croyais que je vivrais ma maternité comme un bonheur imperturbable et sans limite, et que je n’aurai besoin de personne, comme toutes les bonnes daronnes. Après tout, c’est ce que la société, les réseaux sociaux et beaucoup d’autres éléments de notre culture occidentale m’ont toujours fait croire. Ce n’est pourtant que depuis quelques semaines seulement que je me considère comme « sortie de l’auberge » : les rythmes sont pris, la fatigue n’est plus vraiment là, la galère infinie de l’allaitement a pris fin… et surtout, je prends enfin un plaisir entier à chaque fois que je suis avec mon fils (son expressivité, son éveil et l’interaction de plus en plus présente ont tout changé… j’avais besoin de ça).
Dans quelques jours, il fêtera ses sept mois (et je me rends compte que lorsque j’ai écrit la première version de cet article, j’indiquais que mon fils « allait sur ses quatre mois », il m’a donc fallu un bon moment pour le finaliser…). Et parmi les trucs complètement hallucinants qui me sont arrivés depuis sa naissance, il y a toutes ces femmes (amies, collègues, lectrices… enceintes ou déjà mamans) venues échanger avec moi sur leurs difficultés ou pour être « rassurées ». Sachant que j’ai quand même longtemps été la dernière personne à consulter sur ces sujets, j’ai été très étonnée… Et ces discussions m’ont finalement permis de constater qu’il n’existait malheureusement que très peu de discours « réalistes » sur cet épisode de vie pas forcément évident. C’est pourquoi, par le biais de cet article, je m’adresserai à la personne que j’étais lors du premier mois de vie de son bébé, sans aucun filtre, tel que je l’ai vécu et pensé sur le moment. D’abord pour essayer de relativiser les doutes et déconvenues rencontrées (tout va tellement mieux maintenant…), aussi pour que les concernées connaîtront, sans aucun doute, une issue positive, et enfin pour garder un souvenir dans sa version brute, tout simplement. On dit souvent que le corps de la femme « oublie » volontairement tout le négatif de la grossesse / maternité… de sorte que l’on continue malgré tout de faire des enfants et aussi pour que la race humaine ne s’éteigne pas tout de suite… alors j’avise.
A mon moi du premier mois…
Tu vas assez vite comprendre que ton corps a pris cher. Tu auras mal à peu près partout : à la tête (fatigue niveau expert), au ventre (contractions), à tes « petits » pieds (gonflés comme jamais), à tes cuisses (nouvellement capitonnées et remplies d’eau), à ton dos (qui de toute façon ne t’a jamais vraiment laissé de répit depuis l’adolescence), à ta poitrine (qui s’est considérablement alourdie et qui a bien du mal à s’adapter à sa nouvelle fonction nourricière), à tes sutures (déchirures superficielles liées à l’accouchement), et ailleurs encore aussi. Tu n’auras absolument plus aucune force abdominale. Lors de ta deuxième nuit à la maternité, tu seras incapable de passer en position assise une fois couchée. D’ailleurs, tu devras tendre le bras vers le berceau de ton bébé et le soulever directement par le pyjama pour l’avoir dans tes bras (méthode pas tellement recommandée par les grands-parents, mais tu n’auras pas le choix et ça te donnera un aperçu de la puissance des pressions d’un pyjama bébé).
Tu expérimenteras les joies d’un périnée mis à rude épreuve. Tu avais évidemment entendu parler des malheureuses histoires d’incontinence (pipi, caca…), mais comme il faut toujours que tu donnes dans l’originalité, tu découvriras, toi, le monde fantastique de l’entre-deux, celui de l’incontinence des gaz. Tu ne seras que très moyennement enchantée par ce désagrément à la fois surprenant et humiliant. Tu répondras un grand « OUI » à ta gynéco, quelques semaines plus tard quand elle te dira « C’est tout-à-fait courant mais c’est vrai que je n’en parle jamais à mes patientes, pour ne pas les inquiétez, vous pensez que je devrais ?« .
Dans un tout autre registre (pas facile d’enchaîner maintenant), tu te sentiras complètement nulle et pas du tout à l’aise au moment de laver ton petit bébé tout neuf et tout « fragile » (en vrai, il ne l’est pas tant que tu le crois, mais bon). Malgré toutes les instructions que tu auras reçues, ces vidéos des « bains de Sonia » que tu essayeras tant bien que mal de te remémorer et toutes ces fois où on te dira que « Mais non, vous n’allez pas le noyer« , tu auras quand même de très gros doutes sur tes capacités. Tu confieras donc cette tâche au papa les premiers jours, un peu plus téméraire et costaud que toi.
Tu te retrouveras plongée dans des journées « mécaniques », pas du tout intéressantes à ton goût (ton bébé ne faisant que manger, pleurer et dormir pour le moment) : nettoyages de cordon, d’yeux, d’oreilles, pesées, changements de couches et de tenues incessants, tétées interminables, douloureuses et toutes les deux heures, biberons à laver, matériel à stériliser… et ce matin, midi et soir… et nuit.
Tu ne feras jamais de sieste parce que le fameux conseil de « dormir quand bébé dort » ne matche pas vraiment avec ton mode de vie et tes habitudes. Tu ne supporteras pas la vue du bordel, d’un petit truc qui dépasse, pas lavé, mal rangé. Cleaner sera ta nouvelle passion, passion qui te donnera l’impression d’être en contrôle sur quelque chose, au moins. Tu feras plein de choses pour la maison, au point de ne plus avoir le temps de manger ou de te doucher. Tu ne te reposeras absolument jamais. Et l’absence totale de « temps libre » ira jusqu’à te rendre malade. Tu iras jusqu’à maudire les proches qui t’offriront des cadeaux que tu considéreras comme « chronophages » : tenues « compliquées » pour le bébé (comprendre « autre chose que body + pyjama ») ou encore « loisirs créatifs » (collages, montages photos, moulages…). Ont-ils cru que tu n’avais que ça à foutre ? Tu ressentiras par ailleurs une frustration intense quand ton mari se dira « épuisé » alors qu’il aura, lui, « la chance » d’aller au travail tous les jours pour « s’échapper » de ce quotidien répétitif. Pire, tu jalouseras ses business trips.
Tu seras très vite usée d’entendre les avis et expériences de tout le monde, bien souvent divergents et rarement sollicitées : « Laisse-le un peu pleurer« , « Comment ça, il pleure depuis 2 secondes et tu ne cours pas le chercher ?« , « Couvre-le, les bébés doivent être très au chaud les premières semaines !« , « Mais il doit avoir beaucoup trop chaud là-dedans« , « Il dort beaucoup trop, tu devrais le réveiller« , « Bon, il faudrait songer à le caler, ton fils, niveau siestes »… Tu te créeras tes petites œillères virtuelles pour ne pas péter un câble.
Enfin, tu te sentiras plus seule que jamais. Le nombre de jours de vacances et de congés paternité étant ce qu’ils sont ici, tu te prendras ton statut « d’expat’ à Genève » en pleine gueule, sans famille et sans amis suffisamment proches pour pouvoir leur demander de te soulager dix minutes dans la journée, ne serait-ce que pour te faire à manger ou aller aux toilettes. Tu comprendras (trop tard) pourquoi toutes les jeunes mamans autour de toi se sont faites aider par leur mère, sœur, bestie…
Et le pire dans cette histoire, c’est que tu te sentiras interdite de partager toutes ces émotions contradictoires, tant la norme du « bonheur intense du miracle de la vie » et « l’amour maternel inconditionnel » sera ancrée dans ton cerveau. Tu auras peur de passer pour une mauvaise maman, une weirdo ou la rabat-joie de service.
MAIS (heureusement, il y en a un !), tu triompheras de ces épreuves.
Presque comme par magie, tes douleurs disparaîtront complètement, les unes après les autres. Toi qui commençait à souffrir de porter ton nouveau-né plus de quelques minutes, tu seras rapidement capable de le transporter partout avec toi, à bout de bras, alors même qu’il atteindra les 10kg à la veille de son septième mois. Ce sera tellement plus pratique pour lui bouffer les joues toute la journée et ça te fera les biceps bien comme il faut aussi. D’ailleurs, toi qui désespérais de ne pas pouvoir enfiler tes futes au cours de ton fameux « quatrière trimestre », tu auras un nouveau rythme de vie tellement actif que tu rentreras, plus vite que prévu, de nouveau dans tes jeans.
Tu seras très rarement en pleine forme quand il faudra te lever le matin… mais tu admettras que la petite voix de ton fils chantonnant et baragouinant n’importe quoi sera le meilleur réveil matin du monde.
Tes journées ne seront plus jamais les mêmes qu’avant… mais elles seront tellement plus chouettes que ces premiers jours seule avec bébé à la maison où tu ne faisais que de te demander « C’est donc ça ma vie, maintenant ?« .
Tu t’en voudras de ne pas avoir habillé ton fils avec les tenues stylées qu’on lui aura offertes. Elles seront devenues trop petites, trop rapidement… Mais pas grave, tu te rattraperas en devenant addict au rayon bébés de Vinted.
Tu continueras de faire comme ça te chante et comme ton instinct te recommande de le faire avec ton bébé (hors question de santé bien sûr). Tu te rendras compte que la plupart du temps, ça roulera (et que quand ça ne roule pas, ça servira de leçon pour la prochaine fois !).
Tu ressentiras la même tristesse que papa lorsqu’il allait travailler et qu’il vous laissait tous les deux tous seuls à la maison, notamment lors de tes premières nuits « loin », sans eux. Tu comprendras que tu avais finalement de la chance d’avoir pu passer tant de temps avec ton bébé grâce à ton congé maternité (même si sur le coup ça te paraissait être l’enfer).
Tu réaliseras que ce moment n’aura été facile pour personne et tout le monde t’en fera la confidence (de ta boss au boulot à ta voisine croisée dans l’ascenseur en passant par ton livreur DHL). Tu découvriras d’ailleurs une facette méconnue de certains de tes proches et amis : ce voisin qui t’attendra pour t’aider à décharger la voiture quand tu rentreras seule d’un weekend avec ton bébé et ton chien, cette collègue qui écoutera attentivement tes petits « ratés » de maman et qui te fera comprendre que tout est absolument normal, cette cousine qui prendra religieusement de tes nouvelles chaque jour depuis l’arrivée du bébé, ce pote pourtant pas du tout branché gosse qui fera plusieurs centaines de kilomètres pour venir voir le tiens juste le temps d’une après-midi, cette lectrice qui te proposera de te cuisiner des bons petits plats réconfortants, cet ancien camarade de stage qui couvrira ton fils de cadeaux alors que tu n’avais pas eu de nouvelles de lui depuis à peu près mille ans… et j’en passe.
Bref, tu vas en chier un petit peu mais tu verras, tout ira mieux et tu finiras par kiffer <3
Merci P. pour cet article. Oui le début est terriblement dur parce qu’on s’y attend tellement pas ! Pour numero 2 c’est les doigts dans le nez je t’assure !!!! Kiss
Ahaha je lis tout et son contraire sur le fameux « numéro 2 », perso je me sens vraiment pas… Mais on verra bien ;) merci bcp !
Bébé a six semaines et j’ai l’impression que tu as écris une partie de mon quotidien.
Mais je commence à prendre le rythme et je me dis que ça ira de mieux en mieux.
C’est pas tous les jours évidents avec la fatigue, la maison à gérer.. Mais je me dis que ça en vaut vraiment la peine même si au début je pensais vraiment que je n’allais jamais m’en sortir. Quand les gens me félicitaient en me disant cette fameuse phrase’ c’est que du bonheur ‘ j’avais l’ impression d’être à part parce que clairement on était loin mais loin du bonheur.
Tout pareil que toi, à mon tour ! J’ai vraiment eu du mal à ressentir le bonheur… Mais tu verras ça viendra :) plein de bises et de courage !
mon fils à eu 1 mois hier… Et 2h avant de lire ton article je faisais une énorme crise de larmes, au sujet de toutes les choses que tu as énumérées. Et de cette lourde responsabilité qui me suivra toute ma vie. C’est un bonheur de l’avoir. Mais merci pour ces lignes. C’est vrai que dans nos vies, en parler comme ça. Ce serait un sacrilège. Je t’ai lu. Je vais mieux. Merci ❤
Je t’envoie plein plein plein de pensées, c’est la galère pour toutes au début il ne faut jamais l’oublier, ça n’ira qu’en s’arrangeant, même si ca reste un peu compliqué pour le moment mais rien à voir avec le début merci pour tes mots qui m’ont touchée, force à toi
Super article c’est vrai que les bébés deviennent plus intéressants quand ils arrivent à interagir avec les adultes par des sourires,gestes,balbutiements…je l’ai vécue quand j’étais l’aide maman de ma sœur
Bonne continuation, tout va aller pour le mieux maintenant que tu connais parfaitement ton fils
Complètement ; enfin on arrive à la phase cool
Merci Priscilla pour cet article criant de vérité. Ça fait tellement bien de pouvoir dire que ce n’est pas que du bonheur et qu’on a parfois envie de s’extirper de ce quotidien difficile. Ma fille a maintenant 2 ans et les débuts ont été terriblement durs. J’avais idéalisé l’arrivée de mon premier enfant et ça a été un choc de découvrir tout cela. Je suis actuellement enceinte de mon 2e et j’espère que ce sera plus facile. Bon courage pour la suite et j’espère que vous trouverez quelques personnes qui pourront vous aider de temps en temps. C’est vrai que ça améliore grandement les choses.
Tu as raison, on idéalise toujours de toute façon, et je me demande si ça changera un jour d’ailleurs… Mais bon la chute est dure ! Plein de force pour bébé 2, j’ose me dire que ce sera plus « simple ». Et merci pour tes mots, effectivement je n’hésite plus à demander de l’aide maintenant et ça change la vie…
Ton article est parfait ! Je pense que tu as réussi à dire tout haut et de manière apaisée et instructive ce que pense beaucoup de Mamans :-D Merci pour ce bel article que je lis avec émotion alors que j’entame ma troisième grossesse !
Ohhh merci et surtout BRAVO
Et ton bébé est un amour de bébé bien souriant et qui rigole volontiers… avec des personnes qu ‘il ne connaît pas…certains bébés pleurent si c’est la tête d’un inconnu ou disons le, si c’est des têtes de vieux….pas très » jojos « ….ils sont pas tous souriants comme le tien. Bisous à vous 4
C’est vrai que c’est de loin le plus joyeux que j’aie jamais vu plus souriant que sa mère les premiers mois ahaha ! Bises
Merci pour cet article! On dirait moi il y a 2 ans avec une dépression post partum, une thérapie, la maladie et la vie d’immigrante en plus… Les 3 premiers mois furent tellement difficile, je pensais que je n’allait jamais m’en sortir. Ce fut un mal pour un bien comme dit car c’est aujourd’hui que du bonheur malgré les hauts et les bas de la parentalité (c’est pas le monde des bisounours). On veut même mettre en route bébé 2.
Quel courage, tu nous donnes de l’espoir ahah !
Merci d’avoir su mettre des mots sur cette période pas toujours évidente…comme nous en avions débriefé. Et comme tu le conclus, finalement les désagréments des premiers mois sont vite oubliés, remplacés par le bonheur inconditionnel d’être Parent.
Je trouve admirable d’avoir eu le courage de dévoiler ce quotidien loin des images glamour et d’épanouissement total qu’on nous vend un peu trop.
Bisous et à bientôt !
Merci ma belle Angel, je suis très touchée par ton retour, plein de bisous à vous 3
On ne peut pas s’imaginer avant…..on découvre au fil des jours ce que c’est d’être maman (tout ce qu’il faut faire)et finalement c’est l’enfant qui nous donne la force et nous fait grandir : Il nous donne en récompense l’Amour que l’on a attendu plus de 9 mois..et qu’on a pour la Vie : un cadeau !le bonheur !❤️
Bonjour Mercredie, ça fait plaisir de te lire. Tu fais bien de nous dire, à celles qui ne sont pas encore passées par là, les épreuves de la maternité, au moins on a été prévenu et on le vivra mieux. Profite bien des moments avec bébé.
Oui voilà, je fais de la prévention ahaha :) plein de bisous et merci
Merci pour se témoignage qui devrait se démocratiser AVANT la naissance de tous les premiers bébés. Pendant longtemps après la naissance de mon premier enfant je me suis sentie roulée par mon entourage, la famille, les médecins et sages femmes! On nous vend du rêve et ce n’est pas vraiment ça… merci encore pour ces mots que je ne manquerai pas de faire lire à mes amies futures mamans (quitte à passer pour une vraie Rabat-joie )!
Tu as raison, ça devrait beaucoup plus être dans le discours public, espérons que ça change… Bises et merci